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CARNET DE VOYAGE DE TOURBIERE LE LIMONEUX,
DERNIER GOBELIN CHAMAN DE TOURBEVASE.

 

Moi, Tourbière le Limoneux, dernier descendant gobelin des chamans-sorciers de Tourbevase, partais pour un périlleux voyage vers le sud et les terres des elfes et des hommes. Le grand hiver ne m’arrêterait pas dans ma quête pour retrouver le chevalier que les esprits m’avait révélé. Lui seul pourrait se dresser contre les démons qui avaient décidé de faire de Tourbevase leur royaume corrompu et maléfique. 

EYETHIL, LE CHEVALIER ET MONSIEUR SKAM

 

Il me fallut deux semaines et l'aide des Esprits pour traverser la forêt glacée de TRESSE-VIGNE en suivant la SEVE, une rivière qui coupait la forêt en deux. Je ne garderai de ce douloureux périple qu'un sentiment de faim et de froid intense et ne croisait sur mon chemin que quelques rongeurs faméliques, trop faibles pour éviter mes pierres mais suffisamment charnus pour remplir ma petite panse de gobelin des marais.

Affamé et frigorifié, je quittais la forêt et affrontais pendant trois jours un froid encore plus glacial pour rallier la cité gelée des Elfes coupée du monde sur son île enneigée.

 

Ce fut au cœur de la ville tombée, dans la haute tour des mages, véritable flèche blanche qui dominait la SEVE figée par l'Hiver, que je fis la connaissance de KORMAC le chevalier et d'un étrange citadin masqué, uniquement vêtu d'écharpes rouges et or, et qui semblait pourtant insensible aux morsures du blizzard.

 

Le chevalier était en en tout point semblable aux visions que les esprits m'avaient données. Grand, impressionnant et sans peur. Quant à son curieux ami citadin, venu d'on ne sait où, il me laissait une impression étrange, même si je confesse que sa voix mélodieuse et ses mouvements gracieux le rendaient agréable dans l'instant.

Ils m'accueillirent sans être offusqués par mon fumet qui reprenait pourtant vie auprès du feu, et ne tressaillirent point lorsque je tombais ma capuche et découvrais ma trogne contrefaite, qui même parmi les miens pouvait au mieux détourner les regards. Avec leur estomac bien accroché, ces deux gaillards me furent tout de suite sympathiques. Je décidais de partager leur repas et ma terrible prophétie.

UN FLEAU ENGLOUTI, LE FROID ET LA DESTRUCTION DE EYETHIL
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KORMAC nous narra ses exploits guerriers et la bataille qu'il l'opposa à l'infâme MALAKIAS, maitre des nuées de la mort-vie. De cette fresque martiale de la défense de la Cité, je retenais un détail d'importance. Alors qu'il couvrait la fuite des Hauts de Dignitaires Elfes, de ses compagnons et l'embarquement des derniers citadins, le chevalier perdit son fléau enchanté. Celui-ci, arraché au beau milieu du combat, sombra dans les eaux de la SEVE.

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A la fin de ce long mais passionnant récit guerrier, je lui suggérais de récupérer cette arme de puissance qui, vu son poids, avait dû couler à l’a-pic du quai. Ce fut en tentant de repérer l'arsenal magique de KORMAC que je faillis m'empaler sur une redoutable esquille du pont, vestige mortel de la bataille passée. Je ne dus mon salut qu'à la vélocité du citadin masqué qui m'attrapa au vol plus rapide que l'éclair et se griffa à ma place contre l'écharde pointue.

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Je m'empressais de le remercier et invoquais les esprits de la guérison. JACK SKAM l'acrobate à la rapière acérée m'avait sauvé, et je ne l'oublierai pas. Nous vîmes enfin le fléau scintiller sous dix mètres d'eau mais surtout sous un bon pied d'une glace plus dure que le fer. Non outillés, nous décidâmes de marquer l'endroit pour plus tard, de rentrer au chaud, d'honorer les esprits et de préparer notre voyage afin de quérir des renforts à CABANOL, une bourgade hors de la malédiction de l'Hiver, au Sud Est de EYETHIL.

 

Les esprits me prévinrent au cœur d'une nuit plus glacée que jamais. Alors que je montais la garde dans une des tours du Guet de la ville basse, bastion dont nous avions bloqué la porte, mes totems me chuchotèrent un sinistre présage : « ce qui était, allait se transformer.». A l'évocation de cette sibylline devinette métamorphique dont sont friands les esprits qui murmurent à l'oreille des chamans gobelins, je décidais de prendre l'information très au sérieux et réveillais mes compagnons. Ce fut alors que le chaos commença : la pièce se transformait, la lourde table appuyée contre la porte se transformait, les murs de pierre se transformaient. Je compris qu'une ou plusieurs créatures d'un autre plan, certainement attirées par la corruption du nécromant et par le baiser mortel de cet hiver surnaturel, altéraient notre réalité et tentaient de nous atteindre.

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Je m'élançai vers la porte de derrière et criai à mes amis de me suivre sans tarder. Des protubérances de pierre, de métal froid en fusion, jaillissaient de toute part, les pieds de la table s'allongeaient tels des épieux d'énergie ectoplasmique et tentaient de nous clouer aux murs.

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JACK SKAM, plus brave que prudent, sauva cette fois KORMAC d'un jaillissement d'une de ces choses.

Il nous fallait quitter l'endroit au plus vite et les esprits du feu que je libérai nous offrirent un court répit qui permit à JACK de nous rejoindre in extremis à l'extérieur de la tour. Cette gangrène d'un autre monde accélérait sa contamination qui s'étendait maintenant aux bâtiments les plus proches. En panique, je puisais dans mes souvenirs et les leçons de mes maîtresses chamanes. Je pus ainsi faire le rapprochement entre avec SAASHKIN le Dieu du Feu et de la Destruction et cette vermine goulue. Certain que le Dieu Dragon était à l'origine de l'invocation de ces élémentaires voraces, je décidais de combattre le feu de SAASHKIN par l'Eau de la Sève, bénie au sein de MARMITTAS la Corpulente, divinité gobeline que les humains vénèrent sous le nom de SAGRANE.

 

Je dus, dans le feu de l'action, me tromper dans mon interprétation des enseignements chamaniques... car lorsque nous lançâmes un plein chaudron d'eau sur les murs torturés, l'effet ne fut point celui escompté. Le mal ne recula pas mais en revanche, l'explosion qui s'en suivit nous projeta, KORMAC et moi, de l'autre bout de la rue. A demi sonnés, nous abandonnâmes EYETHIL au festin élémentaire qui allait finir par la digérer. Sans victuaille et sans vêtement chaud, au milieu d'une nuit glacée, nous partions rallier CABANOL.

L'ABONDANCE, UN MARAIS PROVIDENTIEL, DES SHUAGINS.
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Cette longue route jusqu'à la grande rivière au sud faillit m'être fatale. La fuite, la marche forcée sur la SEVE gelée et le manque de nourriture eurent raison de mes dernières forces. Je dus perdre connaissance car lorsque je me réveillais, je me retrouvais sous une vielle barque abandonnée, près d'un feu. Mes compagnons humains m'avaient sauvé et porté jusqu'au bord d'une eau libérée de toute glace, nous étions arrivés sur les berges de l'ABONDANCE.

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Au petit matin, à peu près remis de mes émotions, j'aidais KORMAC ET JACK SKAM à confectionner un radeau de fortune en collectant dans ce cimetière de barques échouées, ici des planches, là des cordages. Ce fut vers midi que nous nous élançâmes sur notre esquif de fortune. Fort de mon expérience d'habitant des marais, je pus emmener tant bien que mal mes amis jusqu'à l'autre bord de la rivière, à la berge verte libérée de l'étreinte froide de l'Hiver. Les Sept sorcières chamanes semblaient veiller sur nous car nous allions poser le pied sur un territoire des plus accueillants : un marécage.

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Il ne me fallut qu'une poignée d'heures pour le traverser. Périple vaseux que mes compagnons apparentèrent à un enfer vénéneux mais que je trouvais à mon goût et qui ne fut pour moi, enfant des joncs, une douce promenade de santé au cœur de ce paradis à la réconfortante moiteur.

Les derniers roseaux écartés, nous décidâmes de monter un petit campement et je pus faire montre de mes nombreuses connaissances botaniques et faunistiques. Je leur préparais même une de mes spécialités : les cuisses de grenouilles à l'étouffée façon Limoneux. Connaissant la délicatesse du palais de mes amis, je me limitais dans mes choix d'épices et je leur laissais les meilleurs morceaux. En fin connaisseur, je gardais les têtes à croquer, que j'accompagnais de limaces bleutées.

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Malgré mes réticences à quitter ce nid douillet que j'avais confectionné avec autant de savoir-faire que d'amour, nous reprîmes notre route vers CABANOL.

Alors que je marchais en tête de la troupe, occupé à fronder un ragondin qui allait frire dès ce soir dans une belle gangue de vase, mes compagnons aperçurent des créatures bondir entre les joncs et courir dans notre direction.

Il s'agissait de terribles SHUAGINS, une race de lézards humanoïdes assoiffés de sang. Ces étaient pourvus d'une vilaine bouche garnie de mille crocs translucides et d'une queue-faux plus tranchante que l'acier nain, certains brandissaient de drôles de bâtons dentelés.

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Ce fut notre premier combat et, lorsque je vis danser les lames de mes compagnons, je compris que je voyageais sous bonne escorte. JACK fit preuve d'un style aussi aérien que mortel ; sa fine aiguille d'acier fit mouche par deux fois et par deux fois les monstres écailleux s'effondrèrent. Moins subtil mais tout aussi efficace, KORMAC attendait le choc de manière frontale, les deux jambes bien écartées et le bouclier haut. Il brisa d'un seul coup la cage thoracique du premier coureur à sang froid.

Les monstres farouches et affamés ne capitulèrent pas et engagèrent le combat de manière plus concertée. Certains d'entre eux, armés de curieux harpons barbelés, tentèrent d'embrocher le chevalier tandis que leur queue-faux sifflaient à ses oreilles. Si son énorme bouclier dévia la plus part des attaques, certaines s'enfoncèrent dans sa chair exposée depuis l'abandon de son armure à EYETHIL. Blessé, il recula un instant et son égide lui fut arraché... Le voyant en mauvaise posture, je quittai ma touffe de roseaux pour tenter une diversion.

Je fis vrombir ma fronde et mon caillou ricocha sur l'arête crânienne pourpre d'un de ses ennemis qui tentait de le prendre à revers. La ruse ne marcha que trop bien car le monstre siffla de colère en me chargea. Rassemblant ses forces et nommant son Dieu, KORMAC put terminer son ouvrage de mort sur son dernier adversaire. SKAM, qui avait fini d'en découdre, tenta d'intercepter mon SHUAGIN, pensant qu'il n'allait faire qu'une bouchée de ma petite personne. C'était sans connaître les ressources chamaniques de Tourbière le Limoneux.

Devinant que la bête courroucée ne courait pas vers moi pour faire une partie de Koper menteur, jeu auquel j’excelle, j'utilisai la puissance de mon totem CHU'A, l'esprit du python. A la promesse de sa liberté retrouvée, CHU'A jaillit de son totem et exauça mon souhait en resserra ses anneaux spirituels sur le dentelé reptile juste avant qu'il ne me transperce. Complètement immobilisé, il rentra dans une rage folle pour se libérer. Les anneaux se resserrèrent d'un coup... CHU'A lui avait brisé la nuque avant de disparaître dans son royaume de brume.

Sachant la bête aux portes de la Mort, je ne perdais pas un instant et marchais vers sa dépouille désarticulée pour lui enfoncer CORNE-SUCE dans l'oreille. Son esprit aspiré se rebiffa un instant, mais à la promesse de retrouver sa liberté contre un service à venir, il se lova docilement au cœur de mon totem. Je pus m'atteler à soigner mes amis, non sans avoir soulagé les monstres de leur queue-faux dont je comptais bien trouver un usage par la suite. Je prenais aussi un petit moment pour lever de leurs flancs de longs filets qui nous permettraient de nous sustenter jusqu'à notre destination.

CABANOL, LA FORET DE MILLE-BOIS ET LE SABBAT DES BOUCS
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Nous découvrîmes enfin CABANOL, une cité aux portes de la forêt de Mille-Bois, sans palissade ni protection, peuplée dans sa grande majorité de chasseurs, d'artisans peaussiers et de prospecteur de bois flotté. La plus part des chaumières culminaient à deux mètres au-dessus du sol. Un ingénieux système de pilotis et de passerelles reliait bon nombre d'entre elles, formant ainsi des ruelles suspendues. Nous apprîmes par la suite que l'ABONDANCE connaissait de fréquentes crues, et que le commerce du bois flotté, tant par sa récolte que par sa transformation, était une spécialité de la ville.

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La réputation de KORMAC nous permit d'être accueilli à bras ouvert et DRUSS, maire et autorité incontestée de la CABANOL, fit dresser un banquet en notre honneur. Nous pûmes manger de délicieuses tourtes aux anguilles et goûter à une bière douçâtre très alcoolisée dont j'abusais sans modération. Une fois la mauvaise image de gobelin passée et plusieurs fûts mis en perce, nous gagnâmes la confiance des CABANOLIENS, et je sympathisais plus particulièrement avec GUSGUS, un archer benêt, préposé à la chasse et à la surveillance de la bourgade.

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Pendant que je faisais la fête, DRUSS et KORMAC échangèrent : notre chevalier demandait de l'aide en hommes et en vivres pour monter une expédition vers le Nord, tandis que DRUSS lui apprenait que les villageoises de CABANOL avaient été envoutées par des satyres et se livraient à de condamnables ébats au cœur de MILLE-BOIS. Selon lui, un prêtre ou peut-être un sorcier dirigeait ces gaudrioles contre nature. Marché fut donc scellé, nous libèrerions les gueuses excitées en échange de renforts pour notre quête. Je me rendis alors compte que JACK semblait détenir un étonnant ascendant sur le bourgmestre. Je ne sais par quelle magie, il réussit à ce que ce dernier nous détache dix de ses meilleurs archers pour nous accompagner dans notre quête à MILLE-BOIS.

 

Quant à moi, profitant de la fête et de mes nouveaux amis campagnards, j'allais voir les familles des disparues et réussissais à lever une troupe de volontaires, certainement plus braves à retrouver leurs mies qu'aptes à ferrailler, mais qui auraient par la suite un rôle déterminant à jouer.

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Au petit matin, alors que les archers prenaient leur paquetage et qu'armes et armures étaient fournies à ma troupe de choc, je sollicitais GUGUS pour lui faire part d'une de mes idées. J'avais vu lors de notre soirée arrosée de très gros chiens de ferme, robustes de charpente et me semblait-il, doux de caractère. J'associais la puissance de ces bêtes aux vertus de solidité et de légèreté bois de CABANOL et j'imaginais me faire construire un attelage digne de mon rang de chaman gobelin. Après une rude négociation durant laquelle je me rendis compte que le Cabanolais était près de ses sous, je fis l'acquisition d'une chienne magnifique au poil feu, pesant au bas mot ses quatre vingt kilos, soit quatre fois mon poids. Je la baptisais GRENOUILLE en l'honneur de la Première Chamane de notre clan. Sa grosse tête carrée arrivait au même niveau que la mienne, ce qui me valut un coup de langue gluant que j'allais devoir apprendre à esquiver par la suite. Quant à la construction du véhicule, je devrais faire preuve d'un peu de patience. A mon retour de la forêt, mon char serait prêt...

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Nous partîmes dès le milieu de l'après-midi, guidés par la troupe d'archers. La forêt de MILLE-BOIS s’avéra très dense, veinée de nombreuses sentes qui se croisaient et s'entrecroisaient en un inextricable dédale. A chaque intersection, nous nous enfoncions plus profondément dans les bois, et petit à petit, les échos d'une musique lancinante nous parvenaient toujours plus distinctement.

Alors que je discutais avec mes amis campagnards et tentais de les convaincre des bienfaits de la cuisine au gras de crapaud, JAK SKAM interrompit mes élucubrations culinaires. Comme pour me confier un secret, il me chuchota à l'oreille quelque chose nous suivait...

J’arrêtai sur le champs ma troupe de soldats de fortune, et leur intimai de me soulever sur un bouclier au dessus de leur tête. Du haut de mon perchoir, j'invoquai les conseils des Esprits qui, par chance, me répondirent instantanément : «si tu veux voir Chaman, ferme tes yeux...» Habitué à les écouter sans me poser de question, je m’exécutai.

Ce fut à ce moment que je les sentis. Tout autour de nous, transparents et nombreux, prêts à attraper l'imprudent isolé, une meute de canidés féériques gros comme des sangliers nous encerclaient.

J'en fis rapport aux archers qui blêmirent, les monstruosités étaient réputés et dangereuses. Sachant que ces chiens miroitants allaient attendre le moment propice pour frapper, nous resserrâmes les rangs, armes au clair, tentant de discerner l’indiscernable.

 

Avant la halte du soir, je décidai de prendre l'initiative. Je quittai le centre rassurant des rangs amis pour tenter d'apercevoir ces créatures.

Mon œil, affuté et entrainé à distinguer une tête de batracien perdue au milieu d'une mer de cresson, accrocha un reflet fugace filer entre les arbres. Au jugé, je lançai un esprit de feu tout en libérant l'esprit sanguinaire du SHUAGIN. Mes deux alliés de l'au-delà frappèrent simultanément ma cible, figeant sa lumière fuyante. Un chien au pelage miroitant et aux crocs démesurés se matérialisa, hurlant de douleur, brûlé par le feu et mordu à de multiples endroits par le fantôme SHUAGIN. Les archers n'eurent plus qu'à décocher leurs traits pour achever l'animal enfin visible. Je bondis sur la bête morte et avant que son esprit ne s'envole, je rechargeai mon CORNE-SUCE à nouveau vacant. Le pouvoir d'invisibilité de mon nouveau locataire allait certainement me servir un jour et sa peau aux reflets scintillants que j'écorchais devait valoir son pesant d'or.

La mise à mort de la bête, dont on disait l'espèce aussi dangereuse qu’insaisissable, apporta espoir à notre troupe et fit perdre l’appétit à nos poursuivants. Nous dormîmes du sommeil du juste, non sans mettre en place des rondes et des quarts.

 

Ce fut le lendemain vers midi que nous eûmes notre première piste sérieuse. Un de nos éclaireurs avait découvert un camp abandonné et les traces qui en partaient allaient cette fois nous mener juste à un sabbat endiablé.

Juste avant la nuit, des chants, des rires et de la musique résonnèrent. Notre troupe s'immobilisa. Ils étaient là, tout proches, .... il était temps de faire un plan.

Nous allions tenter une approche diplomatique et bénéficions pour cela de KORMAC et SKAM. Nos deux ambassadeurs d'exception partirent avec pour projet de convaincre les satyres de délivrer les femmes de CABANOL. Nous décidions de leur laisser quinze minutes avant de nous montrer, afin de ne pas compromettre leur entrée en scène.

Pourtant, après une demie-heure durant laquelle les chants et les rires reprirent de plus belle, nous nous décidâmes de nous joindre nous aussi à la fête, non sans précaution. Je demandai à mes amis paysans de m'imiter et je m'enfonçais de la mousse dans les oreilles tout en leur contant les légendes de la Guenaude des marais qui cachait un terrible appétit derrière une voix mélodieuse. Je me méfiai en effet bien plus de la musique et des chants des satyres que de leurs arcs.

Nous débouchâmes dans la clairière de la débauche sylvestre où un carrousel étonnant nous attendait. Autour de feux de joie, des filles nues couraient et gloussaient, poursuivies par des satyres aux intentions évidentes. Par ici, deux humaines s'échangeaient les faveurs virils d'un bouc lubrique, partout d'énormes tonneaux en perce alimentaient à flots ininterrompus ces bacchanales monstrueuses. Tandis que les villageois se remettait du choc de cette vision, je cherchais à trouver mes deux compagnons. Ce faisant, je compris que certaines femelles humaines étaient contraintes. J'allais en faire par à GUSGUS quand je localisai enfin mes amis, et cette fois, ce fut moi qui fus choqué. JAK SKAM, aussi nu qu'un vers, s'entrainait à lancer des stylets sur une captive attachée à un arbre, hurlant à chaque fois qu'une point se fichait à quelques centimètres de sa tête. KORMAC, lui, riait à gorge déployée aux contre-pétries salaces d'un satyre pourvu de ce que je pris dans un premier pour une troisième jambe...

Nos deux ambassadeurs étaient visiblement sous le charme des faunes, et la fête se tinta soudainement d'un éclat sinistre.

Je décidai de pousser les nôtres au centre de la clairière en entamant un chant cabanolien que j'avais appris durant la traverser de MILLE-BOIS. Interrompue et surprise, la trentaine de satyres tenta alors de nous surpasser dans ce duel musical mais nos épées frappées en mesure sur nos boucliers firent un tel boucan que leur sortilège perdit de son intensité et que JACK et KORMAC furent libérés de son emprise.

Reprenant ses esprits et un peu de décence, le Chevalier se dirigea sans hésitation vers son compagnon de beuverie qui s'avérait être le chef des faunes. KORMAC exigea la libération immédiate des femmes de CABANOL ou nos archers lâcheraient leurs traits. Afin de donner plus de poids à sa injonction, il fit offrit son épée de chevalier au chef des satyres.

SKAM, encore tourneboulé par l'emprise des fifrelins féériques, perdit son sang-froid et secoua violemment une paysanne hystérique qui refusait de lui rendre une de ses écharpes dont il comptait recouvrir ses attributs exposés à la vue de tous. Ce moment de flottement faillit nous être fatal mais KORMAC gronda un ordre qui fit reculer les Faunes, et tout en gardant sa superbe, ordonna notre repli au son des boucliers et des chansons hurlées, ce qui nous insensibilisa une fois de plus de la mélopée envoûtante des satyres.

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Deux jours plus tard, après un joyeux retour forestier sans aléa, nous arrivâmes à CABANOL où nous fûmes accueillis en héros. Les épouses s’élancèrent vers leur mari, les filles retrouvèrent leur mère, tandis que j'admirais, une larme à l'oeil, le fabuleux attelage que l'artisan m'avait magnifiquement conçu et dont il allait certainement me faire belle ristourne.

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